Projet Tropicalia : Véritable zoo tropical sous cloche plastique, un « rêve d’enfant » !
Près de Berck-Sur-Mer dans le Pas-de-Calais (62), deux promoteurs, Cédric Guérin et Nicolas Fourcroy, rêvent de construire la plus grande serre du monde : 20.000m2, 10 hectares de terrain, avec un dôme transparent dont le sommet culminerait à 60 mètres de hauteur, et qui permettrait de reconstituer avec animaux d’élevage et plantes élevées en pépinière un environnement tropical où la température avoisinerait les 28 degrés toute l’année.
Tropicalia, c’est le nom de ce projet pharaonique, serait « une porte ouverte vers la compréhension et le respect d’un écosystème fragile » où les visiteurs entreraient « dans un monde animal et végétal en parfait équilibre pour le plaisir des sens ». L’infrastructure serait en autonomie énergétique, « l’intégralité de la chaleur produite par l’effet de serre sera recyclée et stockée », et l’énergie excédentaire permettrait d’alimenter un réseau de chaleur urbain proche, dont un hôpital.
Malgré ses atours verts, Tropicalia est bien un grand projet inutile et imposé, la folie des grandeurs estampillé « écoresponsable » ! Comme pour la construction d’une autoroute, d’un stade, d’un aéroport, d’une ligne à grande vitesse (LGV), ou d’un barrage, ce projet aura des impacts désastreux pour l’environnement. Tout d’abord, la construction de cette serre, en plus d’artificialiser des terres agricoles (taux d’artificialisation des sols de la région : 15 % contre un peu plus de 10 % au niveau national) fragilisera la zone Natura 2000 et la zone d’intérêt faunistique et floristique (ZNIEFF) qui se trouvent à proximité du site. Ensuite, oubliant tout sens de la mesure et jouant aux créateurs, les promoteurs prennent le risque d’introduire des espèces animales et végétales étrangères, dont certaines pourraient envahir la faune et la flore locale. Enfin, les infrastructures routières nécessaires pour acheminer les 500.000 visiteur·euse.s espéré·e·s chaque année vont accroître la bétonisation du territoire et créer de multiples pollutions.
La réalisation de Tropicalia est estimée à 73 millions d’euros, c’est un projet privé financé aux deux tiers par l’emprunt. Il bénéficie également d’un apport d’argent public, notamment un prêt de 2 millions d’euros de la région des Hauts-de-France, et une subvention de 400.000 euros de la Communauté d’agglomération des Deux Baies en Montreuillois. Plus inquiétant, le projet Tropicalia postule à une aide de 10 millions d’euros de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et du fonds européen Feder. Le tout pour la création de … 50 emplois directs.
Après une consultation publique dématérialisée en 2018, le projet a reçu un avis favorable par le commissaire-enquêteur, qui a souligné l’absence d’opposition à la construction de Tropicalia, dont les promoteurs ont eu l’obtention du permis de construire en octobre 2019. Tout semble se dérouler comme prévu pour Cédric Guérin et Nicolas Fourcroy…
Mais un petit groupe de militant.e.s veille au grain, et en décembre 2019, le Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil et du Pas-de-Calais (GDEAM62) dépose un recours gracieux auprès des maires des communes de Rang-du-Fliers et de Verton pour obtenir le retrait du permis de construire. Tropicalia ayant le soutien de nombreux·euse.s élu·e.s, le recours est rejeté par ces derniers, ce qui n’entache pas la motivation du GDEAM62 qui dépose en mars 2020 un recours non suspensif au tribunal administratif de Lille. De plus, l’association réclame une vraie enquête publique ainsi qu’un débat public, car le projet estimé à 9,3 hectares, en fait en réalité plus de dix, et la consultation dématérialisée est donc insuffisante.
Par ailleurs, le front de la contestation s’élargit et le recours administratif entrepris par GDEAM62 est soutenu par plus de 30 associations locales et nationales, comme Attac, Notre affaire à tous [1], Greenpeace, la Confédération Paysanne, les Amis de la Terre, et France Nature Environnement, etc. réunis dans le collectif « Non à Tropicalia ».
La « cyberaction » [2] mise en place remporte un des plus grands succès du site Cyberacteurs, et une pétition [3] est signée par près de 15 000 personnes.
D’autre part, certain·es militant·es appellent de leur vœux un durcissement de la lutte, comme le collectif Extinction Rebellion qui a occupé les lieux de construction du projet Tropicalia en juin 2020 et déployé une banderole demandant la création d’une ZAD. Si entre-temps le COVID19 et le recours juridique ont mis un coup d’arrêt au projet, les promoteurs espèrent commencer les travaux en janvier 2021.
La contestation a pris une autre dimension lors du premier rassemblement officiel du collectif « Non à Tropicalia » le 20 décembre dernier, à l’appel du collectif « Non à Tropicalia » élargi à 38 associations locales, régionales, et nationales et soutenu par 7 partis politiques (comme EELV, le NPA, Générations ou encore la France Insoumise). Cette manifestation, un dimanche et en pleine pandémie, a réuni plus de 200 personnes, médiatisant nationalement la lutte engagée contre ce projet écocide : Libération [4], France Inter [5], La Rélève et la Peste [6], Reporterre, et même le Figaro [7] y ont consacré un article.
Les comités locaux Attac Flandre, Picardie et du Boulonnais se sont investis dans la lutte contre ce projet depuis son annonce, véritable caricature de ce que l’on ne doit plus faire aujourd’hui, au vu des urgences climatiques, environnementales, et sociales auxquelles nous sommes confrontés. Son financement public par la Région des Hauts-de-France, sinistrée socialement et sanitairement est véritablement indécent.
De plus, les promoteurs se targuent de vouloir revitaliser financièrement la région, sous prétexte d’emplois (50) et de faire « vivre le commerce local » alors que ce projet est tout simplement captif : sont prévus sur place, restauration et hébergement.
Fort de ce premier succès, le collectif appelle d’ores et déjà à un nouveau rassemblement.
La bataille contre Tropicalia ne fait que commencer, et il est certain que les luttes victorieuses passées contre les GPII (Grands projets inutiles imposés) à Notre-Dame-des-Landes, Roybon ou Gonesse, vont inspirer et encourager les militant·e.s engagé.e.s contre Tropicalia.